Alors que la sécheresse et les incendies ont rendu plus qu’évidents les effets délétères du réchauffement climatique, cet été a été marqué par les polémiques autour des jets privés des grands groupes et des célébrités. Le recours à « l’aviation d’affaires », terme utilisé par le secteur, est l’apanage des super-riches : les propriétaires de jets détiennent 1,3 milliard de dollars en moyenne. Et ils bénéficient d’une fiscalité plus qu’avantageuse, que l’ONG Transport & Environment (T & E) propose de réformer, dans un communiqué, mercredi 7 septembre.
Pour mettre à contribution l’aviation privée à hauteur de la pollution qu’elle engendre, cette ONG belge, qui milite pour des transports plus écologiques, propose la mise en place de deux taxes :
- l’une sur le kérosène, l’aviation commerciale pouvant acheter du kérosène sans avoir de taxes à payer ;
- l’autre sur les vols. Avec une base de 360 euros pour un vol de moins de 600 kilomètres, puis 0,6 euro par kilomètre, elle pénaliserait les vols courts, particulièrement nombreux en France, selon un précédent rapport, et permettrait de récolter 435 millions d’euros en huit ans.
Le carburant utilisé pour faire voler les jets privés est entièrement détaxé. Un avantage important, alors que la fiscalité sur les produits pétroliers représente plus de la moitié du prix de l’essence ou du gasoil utilisé pour le transport routier. En France, seul le kérosène utilisé pour des avions de tourisme est taxé, mais à un niveau de 35 % à 40 % moindre que le carburant utilisé pour les voitures. La raison de cette exonération remonte à la Convention internationale de Chicago adoptée en 1944, qui interdit aux pays signataires de taxer le carburant contenu dans le réservoir des avions.
La Commission européenne constate dans une proposition de directive – actuellement en négociation – que « l’exonération fiscale obligatoire dans le cas de l’aviation internationale (…) est particulièrement problématique car elle n’est pas cohérente avec les politiques et les défis climatiques actuels » et propose donc que l’aviation d’affaires soit soumise aux niveaux normaux de taxation applicables aux carburants dans les Etats membres. Une proposition qui convient à l’ONG environnementale, qui estime que cela établirait un minimum de taxation du kérosène à 38 centimes le litre.
Des quotas gratuits d’émissions
Actuellement, aucune taxe spécifique n’est prélevée sur les vols de l’aviation privée. Par comparaison, les billets d’avion régionaux bénéficient d’une TVA réduite et les vols internationaux d’une exonération totale.
Parallèlement, l’aviation est incluse dans le marché européen du carbone (qui fonctionne selon le principe de pollueur-payeur), mais des quotas d’émissions de CO2 sont alloués gratuitement aux compagnies aériennes, y compris celles proposant des transports par jet. Pour réduire ses émissions à compenser et passer sous les plafonds, la première compagnie française d’aviation d’affaires, Valljet, a scindé sa société en deux entités distinctes, comme l’a révélé Mediapart. La Commission envisage de mettre progressivement fin à ces quotas gratuits. Quant aux particuliers qui possèdent un avion, ils ne sont pas concernés par ce système et ne doivent donc pas compenser leurs émissions.
Selon les calculs de l’ONG environnementale, ces deux mesures cumulées rapporteraient 656 millions d’euros à la France, d’ici à 2030. Une taxe que T & E souhaiterait voir utiliser pour la décarbonation de l’industrie aéronautique, en développant des carburants écologiques ou des avions à hydrogène, qui restent balbutiants. L’ONG plaide aussi pour une interdiction totale de l’aviation privée thermique avant 2030, afin que les riches propriétaires de jets se voient forcés d’investir dans l’aviation verte s’ils veulent continuer à voler.
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