En Indonésie, les ravages de la déforestation

L’Indonésie est l’un des poumons verts de notre planète avec sa forêt tropicale, la troisième au monde, mais la déforestation menace grandement.
L’Indonésie est l’un des poumons verts de notre planète avec sa forêt tropicale, la troisième au monde, mais la déforestation menace grandement.
Les ravages de la déforestation en Indonésie
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En Indonésie, les ravages de la déforestation

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Il y a deux ans, à Glasgow, lors de la COP26, près 130 pays avaient fait la promesse du "zéro déforestation" en 2030. Parmi eux, l’Indonésie, qui a bien du mal à s'y tenir. Reportage.

L'Indonésie est l’un des poumons verts de notre planète avec sa forêt tropicale, la troisième au monde. Mais après l'annonce de la COP26 d'un "zéro déforestation", elle a très vite et très largement rétropédalé sur cette question, parlant d’un "objectif pas tenable" et expliquant : "développement économique d’abord, protection de la forêt ensuite".

De nombreuses espèces déjà disparues, notamment des pangolins et des oiseaux

Dans la province d’Aceh, à l’Est de Sumatra, il ne reste plus que 15% de la forêt primaire. Près du village de Dembaren Baru, la culture du café est en cause et la lutte s’organise. Sumini, par exemple, est ranger et elle sait exactement ce dont elle veut préserver "sa" forêt : "On ne veut pas que nos forêts soient rasées. On veut les protéger pour que ces forêts indonésiennes perdurent. Pour nous, la forêt est une source de vie, de connaissances et une source de revenus. Nous ne voulons pas que nos forêts perdent du terrain. Dans cette forêt, de nombreuses espèces ont disparu, notamment des pangolins et plusieurs espèces d'oiseaux. Nous voulons vraiment que les espèces de cette forêt soient sauvegardées. Pour que plus tard nous puissions dire à nos enfants et à nos petits-enfants que tous ces animaux existent, et pas seulement dans les livres d’histoire".

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Sumini est ranger et au quotidien, elle essaie de protéger la forêt indonésienne.
Sumini est ranger et au quotidien, elle essaie de protéger la forêt indonésienne.
© Radio France - Julie Pietri

L'huile de palme au premier rang des accusés

En Indonésie, les menaces qui pèsent sur la forêt sont multiples : extraction minières, culture du café, mais le principal responsable de la disparition lente de forêt tropicale indonésienne, c’est l’huile de palme dont le pays est le plus grand producteur mondial. Indra est un ancien militant de l'environnement, chercheur et spécialiste des questions d'implantations agricoles à Banda Aceh, il porte un regard amer sur la situation actuelle : "Vous voyez à quoi ça ressemble…. Avant, c’était une forêt ! Peut-être parce que le gouvernement ne surveille pas assez cette zone et donc les villageois coupent le foret pour en vivre. C’est pour cela que si les palmiers à huile sont plantés. La conséquence, c’est que l’eau dans le sol va diminuer massivement et puis en plus, les produits chimiques utilisés ne sont pas de très bonne qualité".

Ruskie est le propriétaire de cette forêt qui vient d’être rasée. Il est jeune, 28 ans, et il ne voit pas vraiment ce qu’il pourrait faire d’autre que planter des palmiers à huile. Donc, il va continuer de couper le peu de forêt qui lui reste : "Sur mes 60 hectares de forêt qui restent, on va aussi planter des palmiers. Le mois prochain peut-être, on fera entrer les pelleteuses. Grâce à dieu, il n’y a pas de dégâts environnementaux pour l’instant. Vous savez, Il y a beaucoup plus de plantations dans la partie Est d’Aceh… moins ici. De plus en plus de personnes plantent des palmiers à huile dans la région. Je ne sais pas comment dire ça, mais ici, comme vous pouvez le voir, ici, il n’y a que des petits fermiers et tout le monde a compris l’argent qu’on peut tirer de l’huile de palme."

Une déforestation toutefois moins rapide qu'avant

Il y a pourtant du mieux en Indonésie depuis quelques années. Grâce à une vraie volonté politique, à la pression des ONG et à la volonté des consommateurs, le rythme de la déforestation a été divisé par 5 en dix ans. Mais baisse du rythme ne veut pas dire arrêt de la déforestation. L’Europe veut donc imposer de nouvelles règles au niveau mondial. Le principe est clair : "Nous n’achèterons plus de produits issus de zones déforestées après 2020". Une mesure "discriminatoire", "inapplicable", qui pénalisera les petits fermiers selon le gouvernement indonésien. Dans le district de Bireuen, toujours dans la province de Aceh, l’huile de palme est pratiquement le seul moyen de subsistance pour la population et la volonté européenne de régulation passe mal.

Le palmier à huile, le principal ennemi de la forêt indonesienne
Le palmier à huile, le principal ennemi de la forêt indonesienne
© Radio France - Julie Pietri

Faisal, par exemple, possède une palmeraie. Il connaît les projets de l'Europe pour sa plantation, mais tant qu'on l'y autorise, il entend bien continuer à faire pousser des palmiers à huile sur ses terre : "J’ai déjà entendu parler de ça… Mais les palmiers à huile étaient là avant 2020. La plupart, depuis près de 10 ans. Depuis 2015 ou 2016. Ce fruit, on peut la récolter tous les jours. Même s’il n’y en a qu’un peu. Tous les jours on peut récolter ! Ce n’est pas comme d’autres plantations, les Dunians, les mangues et les ramboutans, les palmiers… ou le cacao. L’huile de palme c’est bon pour les gens d’ici. Ça donne du travail tous les jours. Cette culture répond à nos besoins quotidiens. Mais cette réglementation européenne… Qu’est-ce que que je peux vous dire là-dessus ? C’est la meilleure plante qu’on a aujourd’hui ! Moi je ne suis qu’un simple villageois. La règle, c’est la règle. Si c’est autorisé on le fera. Si ce n’est pas autorisé, on arrêtera !"

Actuellement, il y a encore des coupes illégales, y compris dans des zones hautement protégées. Les ONG s’inquiètent notamment beaucoup pour la zone du Rawa Singkil. Un endroit unique au monde, capitale mondiale des orangs-outans. C'est une tourbière qui est également un puit de carbone important pour la planète. Farwiza Farhan est une militante reconnue. Et c'est les larmes aux yeux qu'elle revient de cette région : "J’étais au Rawasingkil il y a deux jours… Ce qui m’a vraiment brisé le cœur, c’est que j’ai été témoin d’une destruction de forêt à une échelle que je n’avais jamais vue auparavant… Vous savez, je regarde toujours les cartes, les rapports qui donnent 92 hectares détruits ou 180 hectares détruits… Et c’est une chose de voir un chiffre sur une carte. C’est complètement autre chose de voir les destructions sur le terrain… ça peut être vraiment bouleversant…Parce que quand j’étais sur place, je ne pouvais même pas m’imaginer comment diable on allait pouvoir réparer ça".