Travailleurs des plateformes : le Parlement européen adopte une position officielle

Elisabetta Gualmini, rapporteure du groupe S&D, se réjouit de l’approbation du mandat de la directive sur les travailleurs des plateformes en séance plénière, jeudi (2 février). [Parlement européen]

Après des mois d’intenses négociations, la directive politiquement explosive des travailleurs des plateformes a finalement été approuvée en plénière jeudi (2 février), avec 376 voix pour et 212 contre.

Le texte intègre une présomption légale de salariat pour les travailleurs des plateformes et renforce les droits et la protection des travailleurs face à l’usage grandissant des algorithmes.

À quelques minutes du vote, l’eurodéputée de centre gauche Elisabetta Gualmini, qui a piloté les négociations, a mis ses pairs en garde contre le message des plateformes, qui insiste que le texte crée une présomption générale de salariat : « ce n’est pas vrai, et c’est impossible, tant sur le plan juridique que technique », a lancé la députée.

L’Union européenne entend réglementer le travail des plateformes

L’exécutif européen a présenté sa proposition pour encadrer le travail des plateformes, à un moment où le modèle économique de ces entreprises donne lieu à des décisions de justice contradictoires à travers l’Union.

Elle a dénoncé les tactiques de lobbying menées par les plateformes, les accusant d’« interférer avec les processus démocratiques [du Parlement] ».

Selon plusieurs sources parlementaires, certaines plateformes auraient contacté individuellement les eurodéputés indécis afin de les inciter à voter contre le texte.

Miriam Lexmann, une députée européenne du parti populaire européen (PPE) de centre droit, qui a toujours combattu l’approche de Mme Gualmini, a aussi pris la parole en amont du vote pour demander le rejet du texte et rouvrir les négociations de fond sans que cela puisse convaincre une majorité de députés.

Avec l’approbation du Parlement, Mme Gualmini dispose du mandat nécessaire pour lancer les négociations interinstitutionnelles, appelées trilogues, aux côtés de la Commission européenne et du Conseil européen.

Travailleurs des plateformes : la rapporteure au Parlement défend une protection de l'emploi renforcée

Elisabetta Gualmini a considérablement élargi les dispositions permettant aux travailleurs des plateformes de demander le statut d’employé et renforcé le contrôle humain du management algorithmique dans son projet de rapport.

Ce que dit le texte

Les députés de la commission EMPL ont adopté leur position le 12 décembre — après des mois de négociations difficiles, décrites par Mme Gualmini comme « extrêmement délicates et sensibles ».

Contrairement au texte initial de la Commission, qui intègre dans le texte de loi des critères qui peuvent guider et motiver le déclenchement de la présomption de salariat, la rapporteure a décidé de les retirer complètement.

Dans le même temps, une autre série de critères a été ajoutée de toutes pièces pour guider les plateformes dans leurs procédures de réfutation de la présomption, lorsqu’elles estiment qu’un travailleur est en réalité « véritablement » indépendant.

La suppression complète des critères a été sévèrement critiquée par des plateformes telles qu’Uber et Deliveroo, qui ont fait valoir qu’elle entraînerait une incertitude juridique et une requalification massive des travailleurs, avec une perte d’emplois à la clef.

Un volet moins politique mais néanmoins très important de la proposition concerne l’utilisation des algorithmes sur le lieu de travail. Sur ce point, les députés européens ont inclus des obligations de transparence et d’information plus strictes que ce que propose la Commission.

Travailleurs des plateformes : enfin, les députés européens trouvent un accord

Les eurodéputés ont trouvé un accord relatif à la directive sur les travailleurs des plateformes au cours d’une réunion de la commission parlementaire des Affaires sociales lundi soir.

Le centre droit en ordre dispersé

Le PPE conservateur, divisé entre l’aile sociale et un groupe d’eurodéputés plus libéraux, s’est montré largement divisé sur le dossier.

La commission EMPL est généralement composée d’eurodéputés davantage sensibles aux questions sociales. Le rapporteur fictif du PPE sur ce dossier, Dennis Radtke, un ancien syndicaliste, a fait face aux foudres de son propre parti, qui l’a accusé de plier face aux injonctions des partis de gauche.

« Une telle approche est dangereuse non seulement pour les plateformes, mais aussi pour les travailleurs véritablement indépendants », avait confié un eurodéputé à EURACTIV il y a quelques mois, au sujet de M. Radtke.

Dans un courriel interne envoyé à tous les eurodéputés et à leurs assistants le lendemain du vote en commission, consulté par EURACTIV, l’eurodéputée Sara Skyttedal a dénoncé un texte qui, selon elle, obligerait des « dizaines de milliers de personnes véritablement indépendantes » de passer au statut de salarié.

Mme Skyttedal a refusé de baisser les bras et a réussi à obtenir la signature de 90 députés, assez pour imposer un vote en plénière, en plus du vote en commission sans que cela change la donne. 71 signatures minimum sont requises pour qu’un vote en plénière soit acté.

Travailleurs des plateformes : les divisions du centre droit européen persistent

Les désaccords au sein du centre droit européen sur la directive des travailleurs des plateformes sont apparus au grand jour lors d’une conférence mercredi.

Le Parlement divisé ?

Mark McGann, l’ancien directeur des affaires publiques européennes d’Uber, devenu lanceur d’alerte, a publiquement salué le vote comme « une victoire pour ceux qui rejettent l’idée selon laquelle l’érosion des protections sociales est la condition de la croissance économique européenne ».

Dans le même temps, Delivery Platforms Europe (DPE), une fédération professionnelle, a déclaré dans un communiqué que « le texte du Parlement sur le travail des plateformes fait fi de la voix de millions de personnes qui choisissent d’être indépendants. »

Un représentant de l’industrie soulignait sous couvert d’anonymat que 212 votes contre étaient la preuve d’un Parlement divisé et que cela limiterait la marge de manoeuvre de Mme Gualmini lors des trilogues.

Une majorité d’eurodéputés PPE ont voté contre le texte. Renew était également divisé, les députés français ayant tous voté en faveur du texte, y compris le président du groupe, Stéphane Séjourné loin de la position très critique adoptée par le groupe parlementaire au début des négociations.

Les négociations se poursuivent au Conseil européen, où aucune approche générale n’a encore été trouvée. Une nouvelle réunion du Groupe « Questions sociales », qui chapeaute les négociations techniques, est prévue le 13 février.

Travailleurs des plateformes : pas de compromis « équilibré » en vue, selon le commissaire Nicolas Schmit

Les ministres n’ont pas trouvé d’accord la semaine dernière sur la directive sur les travailleurs des plateformes et des craintes subsistent quant au déclenchement de la présomption légale a déclaré Nicolas Schmit lors d’un entretien avec EURACTIV.

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