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Fossiles

Eacop : le projet climaticide de TotalÉnergies en 6 chiffres

Des militants contre le projet Eacop de Total en Tanzanie, à la marche climat parisienne du 12 mars 2022.

Mardi 28 février, la justice a débouté les ONG opposées à la multinationale TotalÉnergies et à Eacop, son projet pétrolier en Ouganda et Tanzanie. Zoom sur 6 chiffres clés pour en comprendre l’ampleur.

• Les premiers barils de pétrole prévus pour 2025

Depuis le mois de janvier, les forages ont commencé en Ouganda dans la zone Kingfisher et bientôt dans celle de Tilenga : 400 puits, dont 130 dans le parc national des Murchison Falls, au cœur d’un mégaprojet pétrolier de TotalÉnergies. Ces zones de forage sont en effet le point de départ du pipeline Eacop qui transportera l’or noir jusqu’au port de Tanga, en Tanzanie. Il s’agira, à terme, du plus long oléoduc chauffé du monde : 1 443 kilomètres, l’équivalent d’un Paris-Budapest.

Objectif de la multinationale : produire les premiers barils dès 2025. La production est censée s’étendre sur vingt ans. Lors de l’audience au tribunal le 7 décembre dernier, les ONG ont demandé la suspension du démarrage du projet.

© Louise Allain / Reporterre

• 34,3 millions de tonnes de CO2 par an

Le projet vise à extraire 200 000 barils de pétrole par jour. L’oléoduc sera maintenu à 50 °C pour éviter sa solidification. TotalÉnergies affirme avoir développé un projet parmi les moins émetteurs de CO2 de son histoire : 13 kg de CO2 par baril. Mais les ONG jugent cet impact largement minimisé. En prenant en compte les émissions de gaz à effet de serre indirectes, résultant de l’utilisation du pétrole produit, on aboutit à 34,3 millions de tonnes de CO2 par an. Soit davantage que les émissions combinées de l’Ouganda et de la Tanzanie… Alors même que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) appelle à cesser tout investissement futur dans les énergies fossiles.

• 2 000 km2 d’habitats fauniques protégés menacés

2 000 km2 d’habitats fauniques protégés sont menacés par Eacop, établit un rapport de Survie et des Amis de la Terre France. « L’oléoduc ne traverse aucune aire protégée [selon] l’UICN [Union internationale pour la conservation de la nature] classée I à IV, ni aucune zone Ramsar [des zones humides reconnues d’importance internationale] », se défend TotalÉnergies auprès de Reporterre. Mais au-delà du tracé exact, les ONG s’inquiètent de la pollution engendrée par le chantier et des potentielles fuites de pétrole. « Une surveillance [...] sera assurée, notamment grâce à la fibre optique installée le long du pipeline et permettra de prévenir tout changement de température et toute intrusion », soutient TotalÉnergies.

• 35 cours d’eau et 2 lacs en danger

Au niveau du lac Albert, où se situent les réserves de pétrole, le système de pompage menace l’écosystème constituant « environ 30 % des pêcheries en Ouganda », rappellent les ONG. Côté tanzanien, Eacop traversera trente-cinq cours d’eau, ainsi que le bassin du lac Victoria, deuxième plus grand lac d’eau douce au monde, l’une des principales sources du Nil. On estime que près de 40 millions de personnes en dépendent. Les fuites de pétrole et la pollution engendrée par le chantier sont là aussi un enjeu majeur.

250 activistes se sont réunis à Paris pour empêcher l’Assemblée générale de TotalÉnergies le mercredi 25 mai 2022. © Tiphaine Blot/Reporterre

• Près de 9 milliards d’euros d’investissement

TotalÉnergies a annoncé en 2022 que son investissement dans ce projet s’élevait à 10 milliards de dollars, soit près de 8,9 milliards d’euros. La multinationale est l’actionnaire majoritaire, suivie par les compagnies pétrolières nationales d’Ouganda, de Tanzanie et de Chine. Sous la pression de la coalition Stop Eacop, plusieurs banques dont trois françaises (BNP, Société générale, Crédit agricole) ont renoncé à financer le projet. Mais à l’été 2022, la multinationale a reçu un chèque de 8 milliards de dollars pour couvrir ses « besoins généraux de financements », sans condition, y compris de la part de ces trois banques. C’est le crédit le plus important reçu depuis la signature de l’Accord de Paris par la multinationale, qui vient d’annoncer 19,5 milliards d’euros de bénéfices en 2022, un record.

• Plus de 100 000 habitants affectés

118 000 habitants se trouvent totalement ou partiellement privés de leurs terres, évaluent les ONG. La multinationale avance, elle, le chiffre de 764 foyers déplacés, soit environ 5 000 personnes : « Mais il ne s’agit que des personnes qui bénéficieront d’une nouvelle maison, soit moins de 5 % du total », décrypte Juliette Renaud, chargée de régulation des multinationales aux Amis de la Terre France. TotalÉnergies ne conteste pas le chiffre de 100 000 personnes dont les terres sont affectées ; mais estime que « la très grande majorité [...] pourra en disposer après les travaux ».

Ces personnes sont « principalement des agriculteurs qui sont expropriés dans des conditions insupportables », témoigne Maxwell Atuhura, rencontré par Reporterre en 2022. Cinq plans de relocalisation encadrent leurs indemnisations. Constatant entre autres des retards de compensation, les six ONG françaises et ougandaises avaient assigné TotalÉnergies en justice dès octobre 2019, et attendent beaucoup du délibéré du mardi 28 février.

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