Publicité

Le Brésil assouplit la réglementation des pesticides

Les députés ont voté un projet de loi qui exclut les ministères de la Santé et de l'Environnement de la procédure d'autorisation des pesticides, déjà largement utilisés au Brésil. La loi du « poison », selon ses détracteurs, pourrait encore compliquer les relations avec l'Union européenne.

Les pesticides sont largement utilisés dans les grandes plantations de soja, ici dans l'Etat du Goiás.
Les pesticides sont largement utilisés dans les grandes plantations de soja, ici dans l'Etat du Goiás. (Daniel Kfouri/NYT-ReduxX-REA)

Par Thierry Ogier

Publié le 14 févr. 2022 à 16:14Mis à jour le 14 févr. 2022 à 17:32

C'est une véritable levée de boucliers qu'a suscitée l'adoption à la hussarde d'un projet de loi sur les pesticides par la Chambre des députés la semaine dernière à Brasília. Les partisans du projet affirment que la procédure d'approbation des pesticides sera moins bureaucratique et plus rapide et permettra in fine de moderniser l'agriculture du pays. Le Brésil a besoin de « mesures de défense [pour ses récoltes] tout comme il a besoin des vaccins, qui sont aussi un remède », affirme le député Diego Andrade du Parti social-démocrate (centriste).

La réforme en cours d'examen au Congrès prévoit la simplification des procédures d'autorisation des pesticides, dont l'usage est déjà largement répandu. Au lieu d'être examiné au préalable par les scientifiques de l'Agence de vigilance sanitaire (Anvisa, équivalent de l'Agence des médicaments) et par une agence du ministère de l'Environnement, les dossiers seront directement traités par le ministère de l'Agriculture. 

Une manoeuvre qui équivaut, selon ses détracteurs, à « vouloir mettre davantage de poison dans nos assiettes » selon une campagne anti-pesticide. « Cela relève d'une démarche de déréglementation. Cela mine la capacité de l'Etat à prendre ses responsabilités », estime Kenzo Jucá, conseiller parlementaire de l'Institut socioenvironnemental (ISA), une ONG brésilienne.

Publicité

Risque inacceptable

Si l'autorisation pour un nouveau produit n'est pas délivrée dans un délai de deux ans, le pesticide recevra automatiquement une autorisation temporaire, à condition qu'il soit déjà utilisé dans au moins trois pays de l'OCDE, prévoit le texte. Le nouveau projet de loi ne mentionne plus explicitement l'interdiction des produits cancérigènes comme c'est le cas dans le texte en vigueur. Il se contente d'évoquer de manière plus vague « un risque inacceptable pour les êtres humains ou pour l'environnement ».

« Le Brésil est le pays qui consomme le plus de pesticides au monde », assure Kenzo Jucá. Et qui en introduit le plus sur le marché chaque année, ajoute-t-il : en 2021, le géant latino-américain aurait autorisé la vente de quelque 550 nouveaux pesticides - un record depuis l'an 2000. Au ministère de l'Agriculture, on affirme qu'il s'agit pour la plupart de produits génériques, soit des copies de produits déjà existants. L'objectif étant de moderniser l'agriculture, d'augmenter la production et de garantir la sécurité alimentaire, explique-t-on de source officielle.

Puissant lobby

« Ce projet de loi met l'agriculture brésilienne en danger, rétorque le conseiller de l'ISA. Nous sommes déjà sous la pression de l'Union européenne sur la question de la déforestation , qui menace d'interdire l'importation de nos produits. Cela risque de nous coûter des parts de marché à l'international. »

Mais au Parlement brésilien, le rapport de force penche nettement en faveur du puissant lobby du négoce agricole. Plus du tiers des élus lui apporte son soutien, sans parler du gouvernement lui-même. Le projet de loi polémique a ainsi été adopté par 301 voix contre 150 par les députés. La balle est désormais dans le camp du Sénat, où les tenants de l'agriculture d'exportation et de l'usage intensif des pesticides disposent également de solides assises. 

Thierry Ogier (Correspondant à São Paulo)

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres
Publicité