Travailleurs des plateformes : enfin, les députés européens trouvent un accord

Le texte a été adopté par 41 voix contre 12. Il servira de base à un mandat de négociation avec le Conseil de l’UE, à moins que 70 députés ne demandent un vote en session plénière, au cours de laquelle des amendements alternatifs au texte de la commission pourraient être déposés. [Parlement européen]

Les eurodéputés ont trouvé un accord relatif à la directive sur les travailleurs des plateformes au cours d’une réunion de la commission parlementaire des Affaires sociales lundi soir (12 décembre). Cette décision constitue une étape cruciale après des mois de négociations complexes et conflictuelles.

Les discussions, en cours depuis mai 2022, ont révélé de profondes divisions entre les groupes politiques. Au cours d’un entretien abec EURACTIV la semaine dernière, la rapporteure du groupe de centre gauche S&D, Elisabetta Gualmini, avait fait état de discussions « extrêmement délicates et sensibles ».

« Nous avons pu, en partant de points très éloignés, nous rapprocher », a déclaré Mme Gualmini à ses pairs quelques minutes avant le vote. Elle estime que les principaux objectifs ont été atteints : « la protection des travailleurs, la protection des employeurs de qualité, la protection des “vrais” indépendants ».

Travailleurs des plateformes : après des négociations « difficiles », les députés trouvent un accord

Le Parlement européen est parvenu à un accord politique sur la directive relative aux travailleurs de plateforme. Il est la résultante de plusieurs mois d’ardues négociations, qui ont vu les députés européens se déchirer et les plateformes s’immiscer dans les débats.

Principaux changements

Contrairement à la proposition initiale de la Commission, qui établissait plusieurs critères pouvant motiver une présomption légale de salariat, Mme Gualmini a obtenu l’élimination totale de ces critères. Les plateformes soutiennent que cette décision menacerait la sécurité juridique de l’UE et entraînerait des requalifications massives.

Même au sein du Parti populaire européen (PPE) de centre droit, les désaccords concernant l’exclusion de critères spécifiques ont été nombreux, menaçant parfois de faire exploser les négociations.

Contrairement au texte initial de la Commission, le compromis du Parlement européen a en outre établi une nouvelle liste de critères qui guide le renversement de la présomption par les plateformes. En remplissant ces critères, une plateforme pourra prouver qu’un travailleur présumé salarié est « véritablement » indépendant.

Enfin, des changements significatifs ont été apportés à la partie du texte relative à la gestion algorithmique en y ajoutant davantage d’exigences en matière de transparence et d’information sur la manière dont ces outils automatisés sont utilisés et dont ils affectent la relation de travail.

Comme l’a déclaré Mme Gualmini à EURACTIV la semaine dernière, « tout le monde a renoncé à quelque chose et a obtenu quelque chose ». Ainsi, elle a dû renoncer à sa volonté d’élargir le champ d’application de la directive à tous les travailleurs concernés par la gestion algorithmique et se concentrer uniquement sur les travailleurs des plateformes.

En outre, les critères de réfutation ont été rendus purement informatifs afin que les États membres soient libres d’en tenir compte, ou pas, lors de l’ouverture d’une procédure d’appel.

Travailleurs des plateformes : pas de compromis « équilibré » en vue, selon le commissaire Nicolas Schmit

Les ministres n’ont pas trouvé d’accord la semaine dernière sur la directive sur les travailleurs des plateformes et des craintes subsistent quant au déclenchement de la présomption légale a déclaré Nicolas Schmit lors d’un entretien avec EURACTIV.

Réactions

« Je suis heureux et fier de ce résultat clair », a déclaré le rapporteur fictif du PPE, Dennis Radtke, à EURACTIV à l’issue du vote. S’il reconnaît que la bataille n’est pas encore remportée, avec un vote en plénière très probable en janvier, « cet accord va dans le bon sens ».

L’eurodéputée de gauche Leila Chaibi a aussi expliqué dans un tweet que « le texte voté est une réelle amélioration. Il s’éloigne du statu quo et marque une étape importante dans la lutte pour les droits des travailleurs des plateformes ».

Les acteurs du secteur restent toutefois peu convaincus. Un porte-parole de Delivery Platform Europe, un groupe industriel, a fait valoir que « ce rapport ne reflète pas ce que la grande majorité des travailleurs de plateforme veulent et interférerait avec les définitions nationales de l’emploi, ce qui se traduirait par une incertitude juridique accrue ».

Move EU, un autre organisme du secteur, a également averti qu’avec ce vote, « le travail indépendant sur les plateformes serait de fait interdit en Europe, obligeant 149 000 chauffeurs à quitter leur emploi », citant le rapport d’un cabinet de conseil.

Le texte a été adopté par 41 voix contre 12. Il servira de base à un mandat de négociation avec le Conseil de l’UE, à moins que 70 députés ne demandent un vote en session plénière, au cours de laquelle des amendements alternatifs au texte de la commission pourraient être déposés.

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