Riche en envolées lyriques, du fait de nombreux meetings, le dernier week-end avant le premier tour de la présidentielle a aussi été marqué par la polémique, tenace, du recours par le gouvernement aux cabinets de conseil – et notamment à l’américain McKinsey, accusé d’évasion fiscale.
Place du Capitole, à Toulouse, devant vingt mille sympathisants, Jean-Luc Mélenchon a fustigé le chef de l’Etat, qui a de la sorte « fait entrer le privé dans l’Etat ». « Qui peut croire qu’une société privée va donner des conseils pour l’intérêt général ? », a interrogé le tribun de La France insoumise. Au Cirque d’hiver, à Paris, où elle était en meeting, la socialiste Anne Hidalgo a vu en Emmanuel Macron un « homme décidant seul… presque seul, avec ses amis de McKinsey ». Devant ses partisans, à Pau, Jean Lassalle a ironisé sur un président « abonné » aux services du cabinet américain, sans le nommer.
Le chef de file des sénateurs des Républicains, Bruno Retailleau, a dénoncé un « mélange des genres entre le privé et puis le public ». Dans l’émission « Le Grand Rendez-Vous CNews-Europe 1-Les Echos », le sénateur a dénoncé la « gestion calamiteuse de l’Etat » et la « dépendance » aux « cabinets étrangers ». Pour le président (par intérim) du Rassemblement national, Jordan Bardella, Emmanuel Macron est devenu « le prête-nom d’intérêts privés », en « contradiction hallucinante » avec son discours « quand il nous parle d’indépendance française ». Le candidat d’extrême droite Eric Zemmour a accusé sur la même chaîne M. Macron de « renvoi d’ascenseur », en référence aux cadres de McKinsey qui auraient soutenu M. Macron lors de sa première campagne présidentielle, en 2017.
« Nous assumons »
Face à la critique continue des oppositions, deux ministres ont de nouveau justifié, dimanche, les contrats passés avec cette société. « Nous assumons, l’Etat a toujours eu recours à des cabinets de conseil depuis le début des années 2000, a affirmé le ministre chargé des comptes publics, Olivier Dussopt, plus tôt dans la journée sur Radio J. Valérie Pécresse a mis en œuvre la loi de réforme de l’université en s’appuyant sur des cabinets de conseil. A droite comme à gauche, ils dirigent des collectivités territoriales qui ont recours à eux. Les dépenses de l’Etat en prestations intellectuelles représentent 0,3 % de la totalité des salaires des agents de l’Etat. Partout en Europe, c’est quatre fois plus. »
Sa collègue de la transformation publique, Amélie de Montchalin, a souhaité dans L’Express « dissocier ce qui relève du débat de fond légitime » et « ce qui relève des fausses informations ». Elle a refusé de laisser « dire qu’il y a eu favoritisme de telle ou telle entreprise, car les marchés publics répondent à des règles très strictes et à de nombreux contrôles ». Le président du groupe La République en marche à l’Assemblée nationale, Christophe Castaner, a dénoncé quant à lui, sur RMC, une « opération politique ».
« Suspicion de faux témoignage »
Le Sénat, dominé par l’opposition de droite, avait révélé le 17 mars, dans le cadre d’une commission d’enquête, que les contrats conclus par l’Etat avec les cabinets de consultants comme McKinsey avaient « plus que doublé » entre 2018 et 2021, atteignant un montant record de plus de 1 milliard d’euros en 2021. Les sénateurs ont en outre saisi la justice pour « suspicion de faux témoignage » contre un dirigeant de McKinsey qui avait affirmé que son cabinet payait bien l’impôt sur les sociétés (IS) en France, alors que la commission d’enquête a relevé que les entités françaises de McKinsey n’avaient versé aucun impôt sur les sociétés depuis dix ans.
« S’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », avait lancé le 27 mars M. Macron à ceux qui lui reprochent ces nombreux contrats. Le président candidat avait estimé notamment que le non-paiement de l’impôt sur les sociétés par McKinsey s’expliquait par les règles fiscales en vigueur.
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