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Eau dans le gaz

Bouteilles Vittel retirées des magasins Lidl allemands : un divorce au motif encore flou

Une perte de plusieurs dizaines de millions d’euros par an est à prévoir pour Nestlé Waters sur ce marché. La multinationale suisse prétend que le retrait prévu fin octobre serait décorrélé des polémiques entourant sa gestion de la nappe phréatique dans les Vosges.
par LIBERATION
publié le 19 octobre 2021 à 16h49

L’échéance est fixée à fin octobre. A partir de cette date, il ne sera plus possible de trouver les bouteilles d’eau minérale rouges Vittel dans les rayons des Lidl allemands. Ce retrait serait, selon les dires de la multinationale suisse, décorrélé des nombreuses polémiques entourant sa gestion de la nappe phréatique vosgienne. «Après discussions conjointes, le contrat [entre Lidl et Nestlé] n’a pas été renouvelé», se contente d’expliquer l’entreprise.

Interrogé par Mediapart, le géant de la distribution n’a ni confirmé ni infirmé ce point. Alors que Nestlé est au cœur d’une véritable bataille de l’eau, l’affichage d’un divorce à l’amiable ne convainc pas. Le collectif citoyen Eau 88, engagé contre les pratiques du minéralier dans les Vosges, y lit une réaction claire «aux arguments de l’épuisement de la nappe et de la pollution plastique». Une manière, selon eux, de «démasquer les mensonges de Nestlé qui déclare protéger l’eau, la puiser sans l’épuiser et préserver la biodiversité des écosystèmes» en le frappant au portefeuille.

La décision, révélée par le média allemand Manager Magazin et reprise en France par Mediapart, concerne plus de 3 200 points de vente. Une perte de plusieurs dizaines de millions d’euros par an est à prévoir pour Nestlé Waters sur ce marché. Sur les 800 salariés employés dans les Vosges par la multinationale, autour de 150 dépendraient de ce seul marché, selon le média d’enquête. Conséquence presque immédiate, Nestlé annonce envisager «75 départs volontaires». Des discussions avec les partenaires sociaux seraient d’ores et déjà entamées.

Nappe phréatique et décharges illégales

L’eau Vittel émane de deux sources distinctes, l’une destinée au marché étranger, en majorité à l’Allemagne, l’autre pour la France, le Luxembourg, la Suisse et la Belgique. Depuis plusieurs années, ces forages de Nestlé dans les Vosges à destination de l’outre-Rhin sont sous le feu des critiques : ils contribuent à assécher la nappe des grès du Trias inférieur servant aussi à alimenter les locaux en eau potable. Un projet controversé de pipeline pour acheminer de l’eau potable depuis d’autres communes vers Vittel avait même un temps été envisagé avant d’être retiré en 2019. En juillet, Nestlé a fini par diviser ses droits de prélèvements par deux dans cette nappe.

L’image de Nestlé a également été largement écornée par une enquête de Libération, publiée en mai, révélant que sous son vernis écologique la multinationale suisse dissimulait des décharges sauvages de plastique dans les Vosges, au risque de polluer la nappe phréatique qui remplit ses bouteilles d’eau Vittel, Contrex et Hépar. La direction du géant de l’eau avait fini par reconnaître au lendemain de la publication qu’elle est responsable de neuf décharges illégales tout en annonçant une ébauche de plan d’action pour retirer ses déchets. Le grand ménage aurait enfin commencé à la mi-octobre.

Depuis cette dernière polémique, l’entreprise tente tant bien que mal de «verdir» son image, en annonçant notamment l’investissement en juin de 110 millions d’euros pour «aider à régénérer les écosystèmes dans les territoires situés autour de chacun des 48 sites de Nestlé Waters», ou encore en lançant un nouveau format de bouteille conçu avec «40% de plastique en moins par rapport à une bouteille 50 cl classique», déroule Mediapart.

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