Pour Emmanuel Macron, ce doit être un acquis de son bilan européen, dont il pourra se prévaloir dans sa campagne pour l’élection présidentielle : transformer en législation les propositions que la Commission a faites en 2020 pour mieux réguler le monde numérique. Ce n’est pas encore gagné, mais les deux colégislateurs européens – les Etats membres, d’un côté, le Parlement européen, de l’autre – ont avancé et devraient bientôt entamer des négociations. La France, qui assurera la présidence du Conseil de l’Union européenne (PFUE) à compter du 1er janvier 2022, s’échinera à les accélérer.
Pour l’un des deux textes en question, le Digital Markets Act (DMA), qui a pour vocation de prévenir les abus de position dominante des géants du numérique, cela ne devrait pas poser de problème. Le Parlement européen devait voter, mercredi 15 décembre, sur le compromis auquel sont arrivés les élus, moins de trois semaines après que les Vingt-Sept en ont fait autant. Et, entre les deux institutions, les différences sont faibles.
Dans les deux cas, la philosophie globale du texte n’a pas été modifiée. Après des années à courir après les infractions des géants Google, Amazon, Facebook et Apple (GAFA) dans des procédures judiciaires interminables, Bruxelles veut agir en amont. La Commission a donc listé une série d’obligations et d’interdictions pour les plates-formes dites « systémiques », c’est-à-dire, celles qui, depuis trois ans au moins, ont été présentes dans trois Etats membres et ont dégagé un chiffre d’affaires en Europe supérieur à 6,5 milliards d’euros ou ont affiché une capitalisation boursière de plus de 65 milliards d’euros.
Entre autres, il leur sera interdit d’utiliser les données de leurs clients pour leur faire de la concurrence, comme Amazon est, par exemple, accusé de le faire avec des revendeurs de sa plate-forme. Elles devront aussi permettre aux PME qu’elles hébergent de migrer vers des services concurrents et d’accéder aux données de leurs propres clients. Elles n’auront pas non plus le droit de donner la priorité à leurs propres services dans leur moteur de recherche, comme Google, qui met plus en avant les résultats de Google Shopping.
La question des seuils
Il y aura néanmoins quelques discussions entre les Vingt-Sept et le Parlement européen sur la question des seuils qui permettent de définir ce qu’est une plate-forme systémique. Les eurodéputés ont revu à la hausse les critères de chiffre d’affaires (8 milliards) et de capitalisation boursière (80 milliards), ce qui limite le champ d’application du DMA aux GAFA. « Il ne faut pas tomber dans l’antiaméricanisme primaire », remarque l’eurodéputée (Renew Europe) Stéphanie Yon-Courtin. Plusieurs Etats membres, à commencer par Berlin, ont aussi toujours eu à cœur d’éviter cet écueil, alors que l’heure est à la reconstruction de la relation transatlantique après les années Trump.
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