C'est un chiffre qui donne le ton. L'industrie fossile compte la plus grosse délégation à la COP26, avec 503 délégués, largement devant les pays les plus impactés par le changement climatique. Un signe de l'importance du lobbying anti-climat du secteur alors qu'un nouveau rapport dévoile le nom des entreprises qui freinent le plus les politiques climatiques. En tête de classement, la major pétrolière ExxonMobil, suivie de près par sa concurrente Chevron. 
C’est le "festival de greenwashing du Nord". Voilà comment la militante Greta Thunberg qualifie la COP26, ce sommet d’une importance cruciale pour le climat. Il faut dire que les chiffres vont dans son sens. L’ONG Global Witness a calculé qui avait la plus grosse délégation à la COP26. Surprise : surpassant n’importe quel État, c’est l’industrie fossile qui compte le plus de représentants sur place. Elle compte 503 lobbyistes affiliés à des géants pétroliers ou gaziers, un nombre plus important que les huit délégations des pays les plus touchés par le changement climatique au cours des deux dernières décennies, soit Porto Rico, Myanmar, Haïti, les Philippines, Mozambique, Bahamas, Bangladesh et le Pakistan. 


"Les architectes de la crise climatique ne peuvent pas construire un avenir vivable et juste alors qu’ils ont déjà brûlé la maison", croit explique Rachel Rose Jackson, directrice de la recherche et des politiques climatiques à l’ONG Corporate Accountability. "Avec les grands pollueurs dans le bâtiment et un si grand nombre de ceux qui sont en première ligne laissé à l’extérieur en raison de l’apartheid vaccinal, la COP26 est compromise. Ce sont les personnes en première ligne de cette crise, et non les pollueurs, qui ont le radeau de sauvetage dont nous avons besoin en ce moment".

Création d’un scope 4


Et ce lobbying intense ne s’exerce pas seulement dans l’antre de la COP26. Un nouveau rapport publié par le groupe de réflexion InfluenceMap a calculé quelles entreprises et industries freinent le plus la mise en place de politique climatique alignée sur l’Accord de Paris. Dans ce classement couvrant 350 des plus grosses entreprises du monde, on trouve en haut du podium des majors pétrolières avec ExxonMobil en tête de file, suivie de près par Chevron. La médaille de bronze revient au constructeur automobile Toyota. Le think tank s’appuie sur les contacts directs avec les législateurs et les élus, les millions dépensés dans le "marketing climat", les messages de PDG…
Top Ten Companies


InfluenceMap met en évidence que le lobbying anti-climat des entreprises peut avoir un impact beaucoup plus profond sur le changement climatique que les émissions physiques associées à ses opérations, à l’énergie dépensée pour sa production, à ses fournisseurs ou encore ses produits, ce qu’on appelle les scope 1, 2 et 3. Pour mieux se rendre compte de l’impact de ce lobbying Influence Map propose ainsi de créer un scope 4 afin "d’illustrer que l’influence systémique des politiques par les entreprises doit être prise en compte aux côtés des émissions physiques lors de l’évaluation d’une entreprise et du changement climatique".  


Interrogée par Novethic, une experte décrypte : "Le Scope 4 permettrait de pointer du doigt les entreprises qui prennent de merveilleux engagements de réduction sur les Scope 1 et 2, voire 3 pour les plus ambitieuses, mais qui continuent insidieusement de tout faire pour que la réglementation ne pousse pas à la décarbonation". Et ce lobbying a un coût. En 2019, Influence Map avait calculé que ExxonMobil, Shell, Chevron, BP et Total dépensaient 200 millions par an de lobbying pur pour "étendre leurs opérations en matière d’énergies fossiles". 
Marina Fabre, @fabre_marina 
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