Avec les restrictions sanitaires, les plateformes de livraison ont vu leur poids se développer considérablement. La plupart comme Uber Eat ou Deliveroo font appel à des livreurs indépendants mais Just Eat a décidé de miser sur une autre stratégie, en misant sur l’embauche de 4 500 livreurs en CDI d’ici fin 2021.

Avec la crise du Covid-19 et les restrictions sanitaires, se faire livrer son repas à domicile est devenu une habitude pour un nombre croissant de Français. Toutes les grandes plateformes de livraison en profitent, à l’image de Just Eat qui est passé en 2020de 11 000 à 15 000 restaurants référencés. Pour assurer la démultiplication de ses livraisons, la plateforme a décidé de recourir davantage à l’emploi salarié et a annoncé l’embauche de 4 500 livreurs d’ici fin 2021.
Jusqu’à présent, elle faisait appel, soit aux livreurs des restaurants, soit aux coursiers de Stuart, une filiale de la Poste. Elle ajoutera les CDI à ces deux alternatives. Les livreurs Just Eat seront payés à 10,30 euros de l’heure, soit légèrement au-dessus du SMIC, quel que soit leur nombre de courses. Les contrats s’échelonneront de 10 à 35 heures pour pouvoir convenir à différents types de profils (emploi à temps partiel pour des étudiants ou temps plein). Ils bénéficieront de casques, vêtements de protection, sac à dos, formations à la sécurité. La direction parle même de "perspectives d’évolution de carrière".
Just Eat suit en réalité les pas de Takeaway.com, la plateforme de livraison de repas à domicile qui l’a racheté au printemps dernier. Depuis 2016, celle-ci s’est convertie au recrutement de livreurs. Elle compte désormais 22 000 salariés dans 140 villes de 12 pays, principalement en Europe et en Israël. La décision de Just Eat permet d’apporter une protection sociale et une assurance d’emploi à des livreurs toujours plus précaires et soumis à des exigences de temps de livraisons de plus en plus fortes pour des salaires de plus en plus faibles.
Anticiper une réglementation à venir ?
Cette stratégie apparaît à rebours de celle de ses concurrents comme Uber ou Deliveroo. Il y a quelques mois encore, ces derniers déployaient un dispositif de lobbying exceptionnel pour contrer une réglementation californienne leur demandant de requalifier leurs livreurs en salariés. Mais ce choix plus social est indispensable pour redorer l’image d’un secteur très décrié pour ses pratiques.
Elle répond à la fois à un besoin de professionnalisation et une attente sociale de responsabilité des plateformes que ce soit de la part des clients ou des restaurateurs. "Dans le contexte économique actuel, nous sommes fiers d’investir localement pour permettre à ceux qui le souhaitent, une sécurité de leur emploi et ainsi de contribuer à notre niveau, au développement économique des villes dans lesquelles nous opérons", explique Victor Ennouchi, Directeur des opérations de livraison en France pour Just Eat.
Côté syndicats, on reste prudent. "C’est intéressant de voir que Just Eat met en avant une activité propre avec une flotte de livreurs salariés, juste au moment où le gouvernement s’intéresse de plus près à la question du statut des travailleurs des plateformes de livraison", souligne le syndicaliste Ludovic Rioux (CGT Uber Eats-Deliveroo) dans un entretien publié sur Libération. Sans aller jusqu’à demander le salariat, le rapport Frouin commandé par Matignon, publié en décembre dernier, préconise le rattachement des livreurs à des coopératives pour leur assurer une meilleure protection sociale. De son côté, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, planche sur un cadre de régulation pour le secteur à paraître dans les prochains mois.
Béatrice Héraud, @beatriceheraud

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