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Les géants du chocolat devant la justice

Une plainte collective est engagée contre Nestlé et six autres multinationales à Washington par huit jeunes Maliens qui affirment avoir été exploités dans des plantations de cacaoyers en Côte d’Ivoire. L’industrie chocolatière reconnaît le problème du travail des enfants

Triage de fèves de cacao avant l’exportation à Abidjan, capitale de la Côte d’Ivoire. — © Sia KAMBOU / AFP
Triage de fèves de cacao avant l’exportation à Abidjan, capitale de la Côte d’Ivoire. — © Sia KAMBOU / AFP

Nestlé serait-elle coupable d’avoir forcé des enfants à récolter du cacao en Côte d’Ivoire? La multinationale suisse ainsi que six autres géants du chocolat (Cargill, Mars, Mondelez, Hershey, Barry Callebaut et Olam) font face à une plainte collective déposée la semaine dernière à Washington, où ils sont accusés de violation des droits des enfants.

La plainte a été déposée au nom de huit jeunes adultes ressortissants du Mali, pays voisin de la Côte d’Ivoire. L’initiative revient à l’International Rights Advocates, (IRAdvocates) un groupe d’avocats américains qui a déjà lancé d’autres actions collectives. Selon l’acte d’accusation, les plaignants, qui avaient moins de 16 ans entre 2009 et 2011, avaient été bernés lorsqu’ils étaient venus travailler dans les plantations cacaoyères ivoiriennes contre des salaires d’environ 40 francs par mois. Une fois sur place, ils avaient été affectés à diverses tâches, y compris à la pulvérisation de pesticides et d’herbicides. Dans quelques cas, les salaires étaient promis après la récolte, mais les jeunes n’en ont jamais vu la couleur.

«Nous sommes très stricts»

En marge de la présentation des résultats de Nestlé jeudi, son directeur général Mark Schneider a été interpellé sur le sujet. «Je ne peux que vous répondre ce que nous avons déjà dit, a-t-il lancé. Le travail des enfants n’a pas sa place dans notre chaîne d’approvisionnement. Nous sommes très stricts à ce sujet et nous travaillons très dur pour que cela n’arrive pas.» Point.

Lire également: En Côte d’Ivoire, le combat difficile contre le travail des enfants

«Compte tenu du fait qu’il s’agit de procédures judiciaires, nous ne pouvons faire de commentaires sur le procès en cours et sur les questions relatives à ce sujet», a réagi laconiquement un responsable de la fondation International Cocoa Initiative (ICI) à Genève. Fondée par les géants du chocolat, cette organisation entend «donner une réponse globale et coordonnée de l’ensemble du secteur au travail des enfants dans les plantations».

Sur son site internet, ICI reconnaît le problème: «On estime à 1,56 million le nombre d’enfants qui travaillent dans le cacao en Côte d’Ivoire et au Ghana, soit 50% des enfants vivant dans des ménages producteurs de cacao.» En 2021, Année internationale pour l’élimination du travail des enfants, la fondation veut employer ses treize ans d’expérience en la matière et renforcer la sensibilisation auprès de tous les acteurs.

Les promesses de l’industrie

Ce qui énerve Terry Collingsworth, directeur d’IRAdvocates, c’est l’engagement pris par l’industrie en 2001 d’en finir avec le travail des enfants dans les plantations en 2005. «Au lieu d’assumer ses responsabilités, elle s’est accordé de nombreuses prolongations unilatérales et promet maintenant de réduire le travail des enfants de 70% d’ici à 2025», dénonce-t-il. Selon lui, le nombre d’enfants dans les plantations tant en Côte d’Ivoire qu’au Ghana – ces deux pays produisent 80% du cacao mondial – a augmenté ces dernières années.

Et encore: Aux Etats-Unis, Nestlé et Cargill ferraillent contre la responsabilité des entreprises

La plainte collective s’appuie sur une loi américaine qui «permet aux victimes de la traite et du travail forcé de poursuivre les entreprises qui y participent et qui en bénéficient». Pour Terry Collingsworth, l’objectif de la plainte est de les forcer à arrêter «une fois pour toutes».