Lui qui aime tant vivre la nuit, le voilà en pleine lumière. Paisible quadrupède des forêts tropicales et des savanes, le pangolin est devenu l’objet de toutes les attentions. Le petit mammifère édenté est soupçonné d’être l’un des acteurs majeurs de la pandémie de Covid-19 qui a déjà tué près de 160 000 personnes dans le monde en quatre mois à peine. Comme la chauve-souris, le fourmilier dont la démarche rappelle celle du bossu de Notre-Dame, est porteur d’un coronavirus proche du SARS-CoV-2, à la source de la crise sanitaire qui a stoppé net la planète.
Le « perceur de montagnes »
Se retrouver à la « une » des journaux ? Pauvre bête, il n’en demandait pas tant. Peu lui importe d’être un sans-grade. Son physique ingrat ne lui permet pas de faire de l’ombre au panda, emblème du Fonds mondial pour la nature (WWF) et grand favori des enfants, avant l’éléphant, la girafe et le rhinocéros. Le pangolin préfère rester discret et se plaît à la solitude. Son seul titre de gloire est d’être l’unique mammifère au monde recouvert d’écailles. Ses techniques de chasse suscitent l’admiration. Friand de termites et de fourmis, l’animal étire son interminable langue gluante pour les attraper mais il agit aussi avec malice. Après avoir pénétré fourmilières et termitières grâce à ses griffes puissantes – les Chinois le surnomment le « perceur de montagnes » –, il soulève ses écailles puis les referme comme des persiennes, une fois les insectes pris au piège. Son dos lui fait office de garde-manger, en somme.
Qui savait tout cela il y a encore quelques mois ? Rares étaient les scientifiques à s’intéresser aux huit espèces de pangolin recensées dans le monde, quatre en Afrique et quatre en Asie. Quand on évoquait ce drôle d’animal présent sur terre depuis des millions d’années, c’était plutôt pour s’en moquer. Dans son Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis publié en 1985 (Seuil), Pierre Desproges écrit que « le pangolin ressemble à un artichaut à l’envers, prolongé d’une queue à la vue de laquelle on se prend à penser que le ridicule ne tue plus ».
« Un seul coupable, l’homme »
Mais alors, pourquoi et comment expliquer que ce fourmilier taciturne soit aujourd’hui sous les feux de la rampe ? « Un seul coupable, l’homme », répond sans hésiter le biologiste Gilles Bœuf. « Bien sûr que c’est nous », confirme Didier Sicard, professeur de médecine et spécialiste des maladies infectieuses. A l’instar du Covid-19, 75 % des maladies nouvelles qui affectent aujourd’hui les humains sont des zoonoses, c’est-à-dire des pathologies transmises par les animaux, rappellent les deux scientifiques.
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