Tribune. Alors que le gouvernement français annonce des négociations avec les partenaires sociaux sur l’ampleur et les conditions des aides destinées aux entreprises, l’Union européenne (UE) évalue de nouvelles possibilités de participation des Etats au capital des grandes entreprises. Plus que de l’augmentation du temps de travail demandée par le Medef, l’avenir des entreprises menacées par les conséquences économiques de l’épidémie dépend en effet de leur capacité à se financer durant cette période de confinement.
Or, cette capacité est en partie liée à l’utilisation de leurs bénéfices passés : plus elles ont augmenté leurs paiements de dividendes et leurs rachats d’actions par le passé, moins elles ont aujourd’hui d’argent pour survivre. C’est pourquoi les pouvoirs publics doivent impérativement fixer des règles concernant ce que les entreprises bénéficiant des mesures gouvernementales auront le droit de faire en la matière.
Pour mieux comprendre les enjeux, il convient de regarder ce qui s’est passé aux Etats-Unis où la loi Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act (CARES Act) a été promulguée fin mars pour transférer plus de 2 000 milliards de dollars aux entreprises, aux employés et aux hôpitaux du pays. Malgré les circonstances critiques, les élus démocrates de la Chambre des Représentants sont parvenus à retarder de plusieurs jours l’examen de la loi par le Sénat pour pouvoir imposer certaines conditions aux entreprises qui allaient bénéficier de ces fonds.
500 milliards de dollars pour financer les grandes entreprises américaines
Il en résulte que les fonds de garantie mis en place sont accompagnés de limitations interdisant le versement de dividendes et les rachats d’actions et plafonnant la rémunération des dirigeants pendant les douze mois qui suivront la date du prêt. Cette volonté de restreindre la « liberté » des entreprises américaines dans l’utilisation de leur trésorerie peut surprendre.
Mais cette loi a été adoptée à un moment où les entreprises américaines sont déjà massivement endettées, en partie à cause des rachats d’actions et des dividendes largement distribués aux actionnaires au cours de la dernière décennie. Le montant actuellement proposé pour financer les grandes entreprises américaines en difficulté s’élève à 500 milliards de dollars, dont 58 milliards pour les seules compagnies aériennes.
En comparaison, les firmes du S&P 500 ont racheté respectivement 806 milliards de leurs propres actions en 2018 et 730 milliards en 2019. Les trois plus grandes compagnies aériennes (American, Delta et United Airlines) ont racheté plus de 23 milliards de leurs actions depuis 2015.
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