Editorial du « Monde ». Dix jours après avoir décrété la « mobilisation générale » et alors que certains hôpitaux engagés dans la « guerre » contre le Covid-19 approchent de la saturation, le président de la République a appelé la nation, mercredi 25 mars, à « faire bloc » et annoncé un nouveau train de mesures : prime exceptionnelle pour les personnels de santé, « plan massif » pour l’hôpital et revalorisation des carrières, mobilisation de l’armée.
La France, elle, est méconnaissable : confinée, largement paralysée et inquiète, mais mobilisée contre un virus qui menace chacun. Nulle menace étrangère ni décombres, mais des rues désertes, des familles en cohabitation forcée, assujetties à une actualité angoissante, des solitudes exacerbées, des professionnels dévoués et admirés. Placés en première ligne, les personnels soignants sont les nouveaux « hussards noirs » de cette République combattante, les héros d’une lutte vitale qui vise à honorer la promesse républicaine de l’égale protection face à la maladie et de l’égal accès aux soins.
Emmanuel Macron en a justement tiré la conclusion : l’hôpital public, déjà en crise avant la pandémie, doit faire d’urgence l’objet de toutes les attentions. Le dévouement de ses personnels, parmi les plus mal payés d’Europe, permettra de limiter l’ampleur du drame. Il faudra se souvenir des promesses de revalorisation une fois la crise passée.
Le risque d’épuisement
Reflet du soutien de la population, les applaudissements nourris, qui saluent aux fenêtres, chaque soir, à 20 heures, l’engagement des personnels de santé, sont bienvenus alors que pointe le risque d’épuisement physique et moral. Mais ils ne sauraient remplacer d’autres formes de reconnaissance, politique, sociale et financière.
Les soignants doivent être épaulés d’abord par les efforts collectifs destinés à contenir la pandémie. En respectant et en faisant respecter les règles du confinement, en interrogeant ses comportements à l’aune de l’intérêt commun, chacun peut soulager indirectement la charge qui pèse sur des personnels submergés. Nul ne doit se sentir exonéré de cette responsabilité.
Nous sommes loin d’avoir passé la vague. A l’approche du pic de l’épidémie, l’admirable dévouement des soignants doit aller de pair avec une mobilisation sans faille des autorités, chargées non seulement d’équiper les structures de soins, de gérer au mieux les lits disponibles, mais aussi de fournir à la population tous les moyens possibles de prévention.
Or, en dépit de la « mobilisation totale » décrétée à nouveau par M. Macron mercredi, la distribution des masques de protection reste entravée par la pénurie. Que des médecins généralistes, des caissières, des ouvriers, des policiers en soient démunis, que des personnels hospitaliers les quémandent n’est pas acceptable. Que la vie de malades soit compromise faute d’appareils d’assistance respiratoire ne l’est pas davantage.
Il faut aussi tirer les conséquences de l’impossibilité matérielle d’un confinement strict dans des logements exigus. Pour soulager les hôpitaux et retarder la contagion, des lieux intermédiaires pourraient accueillir des personnes présentant des symptômes. Vides, des hôtels et d’autres lieux d’hébergement collectif devraient être réquisitionnés.
Le président de la République, s’il veut aller jusqu’au bout de la métaphore guerrière qu’il a choisie, ne doit pas se contenter de paraphraser Clemenceau. Il doit armer les fantassins qui montent à l’assaut, protéger les civils et mobiliser l’appareil productif, s’il prétend être comparé un jour au « Père la victoire ».
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