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Face à une crise du coronavirus qui s’aggrave, hôpitaux et soignants supplient la population de respecter les consignes

Dimanche, plus de 400 personnes étaient hospitalisées dans un état grave contre 300 la veille, lors de l’annonce du passage au stade 3 de l’épidémie de Covid-19 par le premier ministre, Edouard Philippe.

Par , et

Publié le 16 mars 2020 à 03h40, modifié le 16 mars 2020 à 15h30

Temps de Lecture 5 min.

A l’hôpital Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne), le 6 mars.

Sur les fils WhatsApp des médecins et personnels hospitaliers, les messages alertant sur la situation dans les hôpitaux de la région Grand-Est ont circulé toute la journée de dimanche 15 mars, décrivant « l’enfer » dans des services de réanimation saturés. Le temps d’un week-end, la situation a basculé en France, désormais passée au stade 3 de l’épidémie. Dimanche, plus de 400 personnes étaient hospitalisées dans un état grave (contre 300 la veille).

« C’est une épidémie très rapide et on voit que le nombre de cas double désormais tous les trois jours », a alerté, lundi matin, le directeur général de la santé, Jérôme Salomon. « On voit bien qu’aujourd’hui les hôpitaux (…) ont vraiment de grandes difficultés à prendre en charge les patients qui arrivent tous les jours, toutes les heures », a-t-il souligné. « Je lance un appel à la mobilisation générale de tous les Français. Ce serait catastrophique de devoir en arriver à trier des personnes (…) en réanimation car il n’y a pas de place », a ajouté Jérôme Salomon.

Dans la région Grand-Est, la plus touchée de l’Hexagone, les hôpitaux vacillent déjà. Le Haut-Rhin concentre les inquiétudes. « On arrive à saturation, on a vingt-cinq personnes sous ventilation à Colmar », explique Jean-François Cerfon, président du conseil départemental de l’ordre des médecins.

« Nous n’avons plus de marge, on est à flux tendu »

Dans l’hôpital de cette ville, toutes les opérations non urgentes ont été déprogrammées, des lits supplémentaires ont été ouverts, mais cela ne suffit pas : « Nous n’avons plus de marge, on est à flux tendu, c’est un casse-tête permanent pour trouver des lits », explique l’anesthésiste-réanimateur, qui craint « trois semaines très dures ». Un urgentiste strasbourgeois confirme que la situation commence à se tendre dangereusement : « C’est une réorganisation permanente car nous n’avons pas assez de lits en réanimation. Nous avons ouvert de nouveaux lits “Covid mais ils sont déjà tous pleins. »

La faculté de médecine a mobilisé ses étudiants, internes ou externes, sur la base du volontariat, pour venir aider dans les CHU. Des médecins de ville ont aussi fermé leur cabinet pour prêter main-forte. Une aide bienvenue tant « la situation est dramatique ».

A Strasbourg, la capacité de réanimation est d’environ 100 lits : ils sont tous occupés, dont la moitié par des cas de Covid-19. Cette capacité va être augmentée pour passer à 200 lits. « On va avoir un crash test la semaine prochaine », estime Jean Sibilia, doyen de la faculté de médecine de Strasbourg. Car, assure-t-il, « on n’est pas encore au sommet du pic épidémique ». Les moyens, notamment les masques, sont relativement disponibles encore, au moins dans les services dédiés, mais, « si la hausse continue, on va être dans une situation difficile ».

« Une partie de la population n’a pas pris la mesure »

Et le professeur de médecine de rappeler, comme ses confrères, que le confinement et le respect des consignes − éviter de sortir et de se rassembler − sont « un volet majeur dont une partie de la population, qui est un peu dans le déni, n’a pas pris la mesure. Tout ce qui fait qu’on peut éviter de créer une chaîne humaine, casser les transmissions, arrêter les réunions, les dîners entre amis, etc. » est indispensable. « C’est entre nos mains, exhorte-t-il. Pour l’Alsace, c’est presque trop tard, mais on peut encore sauver ce qui peut l’être ailleurs. »

Les yeux rivés sur la situation dans la région Grand-Est, l’Ile-de-France se prépare à encaisser d’ici à quelques jours le choc d’une arrivée massive de patients en état grave. « En Moselle, ils se sont pris la vague une semaine avant nous. On va rentrer dans une cinétique qu’il va falloir réussir à casser ou à atténuer », estime Dominique Pateron, le président de la collégiale des urgentistes de l’AP-HP.

Chez les responsables hospitaliers, le changement de ton entre vendredi et samedi est net. « Si vous voulez aider les hôpitaux, il faut faire en sorte que la vie sociale se restreigne. C’est fondamental. Je supplie l’ensemble des Français d’appliquer les mesures annoncées », a lancé, samedi soir, d’une voix blanche, Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique- Hôpitaux de Paris (AP-HP). Pour libérer des lits et des personnels, la moitié des interventions programmées au sein du groupe a déjà été annulée.

Un peu plus tard dans la soirée de samedi, Aurélien Rousseau, le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS) Ile-de-France, assurait au Monde, entre deux réunions de crise, suivre « heure par heure l’évolution du nombre de cas et de patients en réanimation », un nombre en « accélération nette depuis mercredi ». Pour M. Rousseau, « aucun doute sur le fait que nos réanimations vont être sous une pression maximale. C’est une course contre la montre pour dégager des capacités et aplatir la courbe. Nous allons être à l’épreuve. » Lundi matin, la Fédération hospitalière de France en appelait à « une union sanitaire sacrée » pour combattre « cette épidémie historique ».

« C’est mécaniquement impossible de tous les soigner »

Chez certains médecins, l’heure est même à l’alarme. « Depuis jeudi, il y a au moins vingt ou trente patients Covid qui arrivent chaque jour dans les hôpitaux parisiens. Un sur sept va nécessiter un transfert en réanimation, où il peut rester jusqu’à vingt jours. C’est mécaniquement impossible de tous les soigner », lance Cécile Ghander, endocrinologue à la Pitié-Salpêtrière, qui vient d’être mobilisée pour le dépistage Covid.

En lisant le message décrivant la situation aux urgences de Mulhouse (Haut-Rhin) qui a beaucoup tourné dimanche chez les soignants, elle reconnaît avoir eu un coup de découragement. « Je me suis dit que c’était foutu, que, malgré tout, ce virus gagne sur le système. Les moyens sont enfin là, mais ils ne suffiront probablement pas. C’est il y a trois semaines qu’il aurait fallu commencer les quarantaines, vider les hôpitaux, et former tout le monde à prendre en charge les Covid. Ce qui me fait peur, c’est que, s’ils ne décident pas une vraie quarantaine, un vrai confinement strict, il y aura encore plus de morts. »

« Nous avons tous peur de ce qui arrive »

D’un bout à l’autre du territoire, on attend désormais le moment d’être frappé de plein fouet par la vague. « Les quatre premiers jours, c’était le désert des Tartares, mais, vendredi, quatre patients sont arrivés d’un coup dont trois dans un état grave », observe Nicolas Van Grunderbeeck, infectiologue à l’hôpital d’Arras, dans les Hauts-de-France. « Nous n’avons pas encore les résultats de tests, mais le tableau ressemble à ce que nous ont décrit nos collègues : un syndrome de détresse respiratoire très sévère et une dégradation rapide de l’état de santé. »

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Le plus jeune des patients a 29 ans, et le plus âgé 60 ans. A Arras, où la situation était calme jusque-là, six lits de réanimation Covid ont été ouverts vendredi après-midi, et la capacité d’hospitalisation sera doublée dans la semaine pour atteindre trente lits. Des médecins réanimateurs du privé pourraient être appelés à la rescousse en cas de besoin.

« Nous avons tous peur de ce qui arrive », lâche Nicolas Van Grunderbeeck, en soulignant des « difficultés » pour obtenir des ventilateurs supplémentaires. « Nous nous attendons aussi à des difficultés pour les masques », souligne le médecin, en expliquant que les soignants s’efforcent déjà de les économiser en les gardant trois heures d’affilée sans en changer.

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