Agressions sexuelles et usurpation d’identité de la part des chauffeurs, contribution à l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre ou manque de responsabilité sociale et fiscale… Les casseroles liées à la responsabilité sociétale de l'entreprise (RSE) s’accumulent pour Uber et pourraient menacer la viabilité de son modèle économique qui repose sur la confiance des consommateurs.

L’entreprise a donné son nom à un mouvement de transformation de l’économie, l’ubérisation, d’une ampleur insoupçonnée. Mais Uber va-t-elle survivre à son propre modèle ? Dix ans après sa création, la rentabilité n’est pas là et la confiance en la marque s’émousse en raison de multiples scandales. 
Mauvaises conditions de travail des chauffeurs, impôts, hausse des émissions de gaz à effet de serre dans les villes, viols de passagères… Fin novembre, l’autorité des transports londonienne a ainsi décidé – une nouvelle fois – de lui retirer sa licence en raison d’une défaillance de contrôle d’identité des chauffeurs. La société de VTC pourrait se voir priver de son plus gros marché européen si son recours n’est pas accepté.
Une note RSE médiocre
Ces graves affaires, et plus particulièrement celles qui touchent à la sécurité des passagers, pourraient finir par détourner une partie significative des utilisateurs des services d’Uber. Le scandale sur les agressions sexuelles a relancé les appels au boycott, incarné sur les réseaux sociaux français par le hashtag #ubercestover. "On commence à voir un rejet", confirme Rafi Haladjian, cofondateur de Moralscore, un système de rating basé sur les questions sociales, environnementales et fiscales. 
Aujourd’hui, Uber pointe à 40/100 et sa note devrait être significativement dégradée dans les prochains jours (1), à la suite du scandale des agressions sexuelles, affirme Rafi Haladjian. Mais cela n’amènera pas forcément les 300 000 utilisateurs de Moralscore à boycotter Uber. "Selon une enquête réalisée cet été, 80% de nos utilisateurs interrogés déclarent tenir compte totalement, ponctuellement ou partiellement de nos avis. Mais il faut bien être conscients que d’autres critères comme le prix, le temps d’attente et la possibilité de meilleures alternatives restent très importants pour le consommateur", souligne-t-il. De fait, la réputation de la marque en France reste plutôt bonne pour un secteur plutôt mal noté, précise de son côté Mike Ostrowski, directeur du Reputation Institute France.

Moralscore Uber La notation Moralscore d’Uber


Des investisseurs peu regardants
Quand bien même les utilisateurs feraient payer à Uber le prix de son insuffisante vigilance (le groupe s’étant engagé à renforcer les contrôles), cela pourrait d’ailleurs ne pas peser tant que cela sur le modèle. Car "lorsque vous commandez un Uber, celui qui paie vraiment pour votre course c’est Goldman Sachs ou le fonds souverain saoudien", souligne Frédéric Fréry, professeur de stratégie à l’ESCP Europe.
Or ceux-ci restent fidèles à Uber malgré les pertes qui s’accumulent et se chiffrent en milliards de dollars du fait de dépenses en innovation (voitures autonomes) ou de subventions aux chauffeurs pour s’assurer des parts de marché dans les nouveaux pays. Avec un chiffre d’affaires en hausse et des activités qui se diversifient, les investisseurs espèrent une plus-value sur le long terme.  
La montée des risques ESG (environnement, social et gouvernance) commence pourtant à se matérialiser via leurs impacts réglementaires, judiciaires ou réputationnels. "Les investisseurs responsables se sont exclus d’eux-mêmes. Ceux qui ont investi malgré tout sont certainement les moins sensibles à ce type d’arguments, avance Frédéric Fréry. La question selon moi est jusqu’où accepteront-ils ce non-sens économique ?"
Béatrice Héraud @beatriceheraud
(1) en janvier 2020, la note d’Uber est passée à 35/100


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