Le biodiesel plus nocif que l’essence pour l’environnement

Biodiesel issu de soja aux États-Unis. [flickr.com/photos/unitedsoybean/…]

L’utilisation de biodiesel dans les transports augmenterait les émissions polluantes de 4 %, soit l’équivalent de la mise en circulation de 12 millions de voitures supplémentaires en 2020, selon une étude.

Le biodiesel est présenté comme l’un des moyens de réduire les émissions de carbone du secteur des transports. L’ONG Transport and Environment (T&E) avertit pourtant que cette option est encore plus dangereuse pour l’environnement que les carburants fossiles traditionnels.

Un quart des émissions de gaz à effet de serre de l’UE est généré par le secteur des transports, qui se classe dont juste derrière celui de l’énergie en termes d’émissions.

C’est également le seul grand secteur dans lequel les émissions actuelles sont bien au-dessus de celles des années 1990. Si l’UE veut atteindre ses objectifs climatiques, il est donc extrêmement important de réduire drastiquement les émissions du secteur.

L’analyse de T&E se base sur l’étude Globiom, un texte très controversé commandé par la Commission  en 2013 et dont la publication a été retardée jusqu’au mois dernier.

>> Lire : Bruxelles accusée de dissimulation sur les biocarburants

La Commission européenne est d’ailleurs soupçonnée d’avoir voulu enterrer cette étude, jusqu’à la fin de la période de consultation sur la révision de la directive relative aux énergies renouvelables.

« La politique de la Commission était de promouvoir des biocarburants nocifs pour l’environnement, ce qui s’est révélé être un échec encore plus spectaculaire que ce qu’indiquaient les recherches scientifiques », précise Jos Dings, directeur exécutif de T&E.

L’étude est le fruit du travail d’un consortium de trois instituts de recherches reconnus, Ecofys, IIASA et e4Tech. Ses résultats ont cependant été contredits par Raffaello Garofalo, secrétaire général du European Biodiesel Board, une association de représentation de l’industrie, qui a qualifié l’étude de « non fiable ».

« Nous sommes assez surpris de la campagne partisane lancée par T&E », a-t-il assuré, accusant l’ONG de faire pression « contre le biodiesel et pour les carburants fossiles ». Un graphique publié par T&E montre par exemple que les combustibles fossiles émettent moins de CO2 que les huiles de colza, de soja ou de palme.

Affectation des sols

Le biodiesel est créé en mélangeant des huiles végétales de cultures comme le soja, le colza ou le palmier à huile, à des carburants fossiles.

Ces cultures génèrent des émissions liées au changement indirect d’affectation des sols (CASI), soit la transformation de cultures vivrières en cultures destinées aux carburants, souligne l’étude.

Le CASI sert à mesurer l’impact de la transformation de pâtures et forêts, qui absorbent de grandes quantités du CO2 présent dans l’air, en zones de culture. La transformation de ces siphons à carbone en culture augmente donc le CO2 dans l’atmosphère.

À elles seules, les émissions liées au CASI dépassent les émissions de tout le cycle de vie des carburants traditionnels, soutient T&E. L’ONG a ajouté aux résultats de l’étude les émissions directes du biodiesel des tracteurs, des engrais, etc., et les a comparé aux émissions générées par les combustibles traditionnels.

L’ONG en a conclu que :

  • en moyenne, le biodiesel extrait d’huile végétale vierge génère 80 % d’émissions en plus que le diesel fossile qu’il remplace ;
  • les biodiesels de soja et de palme sont respectivement deux et trois fois plus nocifs ; le biodiesel est le biocarburant le plus répandu sur le marché européen et devrait représenter près de 70 % du secteur d’ici 2020 ;
  • plus de trois quarts des biocarburants, qui incluent aussi le bioéthanol, devraient avoir des émissions égale ou plus importantes que l’essence et le diesel sur l’ensemble de leur cycle de vie en 2020.

L’UE a réformé sa politique en matière de biocarburants l’an dernier. Bruxelles avait alors décidé de limiter à 7 % la conversion de cultures vivrières en biocarburants. Cette limite a été prise en compte par T&E lors de ses projections.

Directive sur les sources d’énergies renouvelables

Les émissions de CASI ne sont toutefois pas comptabilisées dans le bilan carbone des biocarburants en vertu de la directive sur les énergies renouvelables (RED) et de la directive sur la qualité des carburants. En cours de révision, la RED devrait être remodelée d’ici à la fin de l’année.

Cela signifie que les biocarburants entrainant des changements indirects d’affectation des sols comptent pour les objectifs 2020 de la RED, et peuvent recevoir des financements publics à échelle nationale.

D’ici à 2020, chaque État membre devra faire en sorte que 10 % de l’énergie utilisée dans les transports provienne de sources d’énergies renouvelables telles que les biocarburants, le biogaz, l’électricité ou autres.

Remède pire que le mal

« Le remède est bien pire que le mal. La limite de 7 % imposé aux biocarburants remplaçant les cultures vivrières a néanmoins été utile et devrait être ramenée à zéro après 2020 », a déclaré Jos Dings. « Si nous poursuivons les mesures incitatives aux mauvais biocarburants, les bons biocarburants n’auront aucune chance. »

Pour Raffaello Garofalo, l’étude de Globiom ne reflète pas le point de vue de la Commission, même si cette dernière l’a financée. « En ignorant le manque de crédibilité du modèle Globiom et en appelant à une suppression des biocarburants de première génération après 2020, T&E plaide en fait pour plus de combustibles fossiles dans les transports routiers », a-t-il estimé.

Raffaelo Garofalo préfère s’appuyer sur un autre modèle, développé par l’agence californienne pour la qualité de l’air (CARB), qui pour lui, est plus transparent et fiable. La CARB est l’agence qui a enquêté sur les violations des règles d’émissions de voiture aux États-Unis.

« Le modèle CASI de la CARB est un processus ouvert et scientifique, qui donne des valeurs de CASI pour les biocarburants quatre à cinq fois plus basses que celles trouvées par l’étude Globiom », a-t-il assuré.

« GLOBIOM confirme les conclusions de l’institut de recherche international sur les politiques alimentaires, qui a estimé que l’éthanol renouvelable européen génère de grandes économies nette de gaz à effet de serre comparé au pétrole, ainsi qu’un impact limité en termes d’affectation des sols », se félicite Robert Wright, secrétaire général d’ePURE (qui représente l’éthanol renouvelable européen), tout en assurant que T&E n’a pas appliqué les conclusions de GLOBIOM aux réalités du marché européen, et ne fait donc pas les recommandations politiques les plus adaptées : il ne faut pas, selon lui, mettre tous les biocarburants dans le même sac, étant donné le potentiel de l’éthanol.

Le transport est responsable d’environ un quart des émissions de gaz à effet de serre (GES) de l’UE. Il s’agit donc du deuxième secteur le plus polluant, après l’énergie.

C’est le seul grand secteur européen qui émet beaucoup plus d’émissions aujourd’hui qu’en 1990. De fait, alors que les émissions de GES des autres secteurs ont chuté de 15 % entre 1990 et 2007, les émissions issues du transport ont augmenté de 33 % durant la même période. Ce n’est que récemment qu’elles ont commencé à diminuer, notamment à cause des prix élevés du pétrole et grâce à une meilleure efficacité des véhicules.

Plus de deux tiers des GES émis par le secteur des transports proviennent du transport routier, qui représente environ 20 % des émissions totales de CO2 de l’UE.

Si l’UE veut atteindre ses objectifs à long terme pour le climat, elle devra réduire de manière considérable les émissions de ce secteur.

Transport and Environment

European Biodiesel Board

Commission européenne

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