Faut-il continuer à vendre des armes à Riyad, en plein conflit avec le Yémen ? La question commence à diviser sérieusement les administrations siégeant à la Commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG). Ces derniers temps, les représentants du ministère des Affaires étrangères ont émis des avis négatifs sur plusieurs dossiers. La Défense se tenait sur une position inverse, favorable aux exports. Matignon et l’Elysée ont donc dû arbitrer. Ils ont donné un feu vert aux demandes contestées de prises de commandes ou de livraisons de matériels.
Et pour cause : l’Arabie saoudite était entre 2007 et 2016 le second client de la défense française derrière l’Inde. Le montant des prises de commandes représentait 764 millions d’euros en 2016 et, la même année, Riyad a versé 1.085,8 millions d’euros pour payer les matériels livrés. Les industriels, soutenus donc par Emmanuel Macron, n’ont pas envie de se priver de ce marché alors que le prince héritier Mohammed ben Salmane s’impose à la tête du pays.
Montée du Riyad bashing
Les dossiers les plus discutés sont ceux des matériels destinés aux unités engagées dans le conflit yéménite, comme la Garde nationale. Par exemple, les engins Sherpa et les VAB Mk3 de Renault Trucks Defense, les Caesar de nouvelle génération de Nexter, mais aussi ses canons de 105mm et ses blindés 6x6 Titus. D’importantes demandes de licences concernent aussi les munitions et leurs dispositifs de réglage, les matériels de conduite de tirs et l’imagerie qui va avec…
Le 9 février, la ministre de la Défense, Florence Parly, était intervenue publiquement, et non sans maladresse, pour expliquer la position française sur ces exportations d'armes. “Qui pouvait imaginer la survenance de ce conflit au Yémen? (...) Beaucoup de pays sont confrontés à cette situation que d‘avoir, le cas échéant, livré des armes à d‘autres pays alors que ces armes n‘étaient pas censées être utilisées”, avait-elle expliqué sur France Inter.
Les prises de position dissonante du Quai montrent que le “Ryad bashing“ gagne du terrain, y compris en France. Plusieurs pays européens ont déjà choisi de bloquer leurs exportations en réaction à l’implication des Saoudiens dans la guerre au Yémen où les cibles sont autant civiles que militaires. Après les parlementaires ou gouvernements néerlandais, norvégiens et belges, l’Allemagne a annoncé en janvier dernier l’interruption des exportations. Cette décision - après une année 2017 particulièrement faste avec 530 millions d’euros de ventes – devrait être confortée par le prochain gouvernement Merkel où le SPD devrait gagner en influence.