Energies : du pétrole à l’huile de palme, des «biocarburants» pas si propres

Les «bio» ou «agro» carburants, obtenus à partir de produits végétaux pour être mélangés aux carburants fossiles, soulèvent de nombreux problèmes écologiques car essentiellement basés sur l’utilisation de l’huile de palme.

 En France, les stations essence proposent déjà caburants à base de bioéthanol, comme le E85, (composé de 85% de bioéthanol et de 15 % de super).
En France, les stations essence proposent déjà caburants à base de bioéthanol, comme le E85, (composé de 85% de bioéthanol et de 15 % de super). Le Parisien Philippe LAVIEILLE

    Après lui avoir fait la guerre dans nos assiettes, l'huile de palme trouve une seconde vie dans nos réservoirs. Mercredi, le projet de bioraffinerie de Total à La Mède (Bouches-du-Rhône) a obtenu le feu vert de l'Etat pour démarrer son exploitation de « biocarburant ». Depuis, plusieurs associations tirent la sonnette d'alarme. Et pour cause, le groupe pétrolier prévoit d'importer 300 000 tonnes d'huile de palme par an pour développer son site. Avec des conséquences lourdes pour l'environnement.

    « Je leur demande […] de réduire au maximum l'utilisation d'huile de palme […] et d'essayer d'année en année de réduire la part d'huile de palme et d'augmenter la part d'huiles usagées ». Sur BFMTV, mercredi, Nicolas Hulot a tenté d'appeler Total à la raison, alors que le permis d'exploitation de leur « bioraffinerie » de La Mède venait de leur être délivré… par l'Etat lui-même. « Je ne peux pas leur demander, alors qu'ils ont fait ces efforts et ces investissements, de renoncer », s'est justifié le ministre.

    Les biocarburants déjà présents dans nos pompes

    Le groupe pétrolier français a lancé en 2015 le projet de transformation de sa raffinerie de La Mède, près de l'étang de Berre, alors déficitaire. Il a cessé d'y raffiner du brut et l'a convertie, au prix d'un investissement de 275 millions d'euros, en y installant notamment un dépôt pétrolier, une ferme solaire, un centre de formation et cette bioraffinerie.

    Le carburant qui y sera produit, dit de « première génération », issu d'huiles végétales brutes et de graisses animales, est censé faire baisser les émissions de gaz à effet de serre. Ce « fioul propre » est d'ailleurs déjà dans les réservoirs de nos voitures. L'éthanol est incorporé à l'essence, et le biodiesel, au diesel. « A la pompe, tous les carburants distribués en France contiennent une partie de biocarburants », rappelle l'Institut français du pétrole, un organisme public de recherche dans les domaines de l'énergie et des transports.

    Des conséquences environnementales dramatiques

    Si selon l'Ademe, les biodiesels assurent de 60 % à 90 % de réduction de gaz à effet de serre, pour les ONG, ces biocarburants sont tous sauf bons pour la planète. Car pour faire tourner sa raffinerie, Total va faire appel massivement à la très contestée huile de palme : 300 000 tonnes par an sur les 450 000 transformées sur le site pour faire du carburant. « L'huile de palme a un impact climatique négatif trois fois plus important que le diesel », rappelle au Parisien Laura Buffet, responsable des biocarburants à l'ONG Transport et Environnement.

    C'est loin de la France, en Malaisie et Indonésie notamment que les principaux dégâts se font ressentir. L'exploitation d'huile de palme entraîne une déforestation massive et une surexploitation des terres agricoles. « Nos ressources naturelles limitées, la terre et l'eau, sont utilisées pour produire des agrocarburants et remplir les réservoirs alors qu'elles devraient servir à produire des denrées alimentaires qui sont primordiales dans un monde où une personne sur huit se couche le ventre vide chaque soir », regrette de son côté l'ONG Oxfam. Car en plus de l'huile de palme, l'huile de colza est aussi utilisée pour fabriquer les carburants, entrant en concurrence directe avec les cultures alimentaires.

    Face aux critiques, Total s'est engagé à se fournir en huile de palme « labellisée » durable. « Ces certifications ne prennent pas en compte les effets indirects, tels que les impacts sociaux, ou encore les mauvaises conditions de travail des agriculteurs », rétorque Laura Buffet. En 2016, la Cour des comptes européenne (CEA) a également pointé dans un rapport le « manque de fiabilité » de ces certifications.

    L'Europe en première ligne face aux biocarburants

    En janvier dernier, le Parlement européen a envoyé un signal fort contre les biocarburants à base d'huile de palme. Les eurodéputés ont voté à une large majorité sa suppression dans les biocarburants « après 2020 ». « Il y a désormais une discussion entre le parlement et les Etats membres pour se mettre d'accord », précise Laura Buffet. Une décision qui empêche les biocarburants à base d'huile de palme d'être considérés comme énergies renouvelables par l'UE et donc d'être utilisés par les Etats membres pour atteindre les objectifs européens.

    Selon la spécialiste, la Commission européenne, qui ne s'est pas prononcée officiellement sur cette interdiction, a néanmoins « donné des signes pour s'éloigner » de l'huile de palme. Après avoir fixé un plafond à 7 % d'agrocarburants de « première génération » dans le secteur des transports, la Commission envisage encore de baisser ce taux à 3,8 % en 2030, selon Euractiv.

    Les secondes et troisièmes générations attendues

    Dans un communiqué, le ministère de la Transition écologique promet d'encadrer l'utilisation de l'huile de palme dans la raffinerie de Mède et d'introduire « 25 % de matières premières issues du recyclage des huiles usagées », dites de « seconde génération ». Ces biocarburants aussi appelés « avancés » sont l'une des alternatives connues pour sortir de la dépendance au tout huile de palme.

    Produits à partir de déchets ou de résidus végétaux agricoles, comme la paille, ils évitent la concurrence avec les terres arables. Mais comme le rappelle Laure Buffet cette technologie se développe « progressivement » et les « volumes ne sont pas encore suffisants » pour répondre à la demande.

    Une troisième génération est également à l'étude, à base d'algues. Plusieurs entreprises travaillent actuellement à remplacer l'or noir, par cet or vert. A Montpellier, le projet Salinalgue, porté par GDF Suez et Air liquide espère commercialiser d'ici 2020 son biocarburant à base d'algues.