Un vent de panique souffle sur la Commission européenne. Selon des documents officiels auquel Le Monde a eu accès, des produits destinés à l’alimentation animale ont été conçus en France à partir d’organismes génétiquement modifiés (OGM) non autorisés et distribués illégalement en Europe. L’alerte a été donnée le 28 septembre 2017 par la France après une saisie de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Depuis, c’est le branle-bas de combat dans les services chargés de la sécurité alimentaire. Une réunion d’urgence a été organisée le 20 octobre à Bruxelles. Tous les pays membres de l’Union européenne (UE) ont été avertis et des investigations ont été menées en France, Belgique, Italie, Allemagne, Hongrie, Bulgarie, Roumanie… pour retrouver la trace des produits incriminés. Aussi, le 19 janvier, la Commission a informé en toute discrétion les pays concernés que « dans deux cas identifiés des aliments incorporant une biomasse non autorisée produite à partir d’OGM ont été illégalement administrés à des animaux ».
Cette biomasse est constituée de bactéries génétiquement modifiées mortes. Ces micro-organismes ont servi à produire des acides aminés utilisés comme additifs dans l’alimentation animale pour les ruminants, les porcs et les saumons.
Contactée par Le Monde, la Commission européenne a confirmé ces informations, précisant que les Etats membres devaient s’assurer du retrait et de la destruction de ces produits. Elle n’a pas voulu dévoiler le nom de la société concernée par la saisie de la DGCCRF, laquelle n’a pas souhaité faire de commentaires. Selon nos informations, il s’agit des filiales françaises du géant de l’agroalimentaire Ajinomoto. Le groupe japonais, qui se revendique comme le « premier producteur mondial d’acides aminés par fermentation », possède deux usines de production à Amiens et dans la commune de Mesnil-Saint-Nicaise (Somme). Ajinomoto n’a pas répondu à nos sollicitations.
Plusieurs dizaines de milliers de tonnes d’aliments composés
La DGCCRF et les autorités européennes ont réussi non sans mal à retracer le parcours des fameuses biomasses d’Ajinomoto entre avril 2016 et octobre 2017. Les usines françaises en ont fourni environ 7 350 tonnes à une société belge. Cette matière a servi à fabriquer plusieurs dizaines de milliers de tonnes d’aliments composés pour animaux qui ont ensuite été expédiés vers des pays extra-communautaires. Une petite partie a également été envoyée en Hongrie pour produire des aliments à destination de la Serbie, pays qui interdit pourtant formellement l’usage des OGM.
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