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Infractions fiscales : les députés s’attaquent au « verrou de Bercy »

Une mission d’information doit évaluer l’efficacité de ce dispositif en matière de lutte contre la fraude fiscale.

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Publié le 11 janvier 2018 à 11h15, modifié le 13 janvier 2018 à 09h36

Temps de Lecture 3 min.

Ce fut l’un des principaux sujets d’opposition à l’exécutif, jusque dans la majorité parlementaire, lors de l’examen du projet de loi pour rétablir « la confiance dans la vie politique », en juillet 2017. Faut-il faire sauter le « verrou de Bercy », ce monopole de l’administration fiscale qui, en France, est la seule à pouvoir décider d’engager des poursuites pénales en matière de fraude fiscale ?

C’est pour éclairer cette question, qui avait fédéré cet été depuis La France insoumise jusqu’aux Républicains en passant par Nouvelle Gauche et l’UDI, que vient d’être lancée une mission d’information sur les procédures de poursuite des infractions fiscales.

Composée de dix-neuf députés de tous bords politiques, elle débutera mardi 16 janvier ses auditions de représentants de l’administration judiciaire, fiscale et autres ONG. Objectif : « décider s’il faut ou non maintenir le verrou de Bercy, ou l’adapter », a indiqué Eric Diard, son président (LR).

« La mission aura pour objet d’examiner comment on déclenche la plainte pour fraude fiscale, comment le ministre chargé du budget intervient », mais aussi de pallier « un manque de transparence » sur le sujet, a expliqué Emilie Cariou (LRM), ancienne de l’administration de Bercy et de l’Autorité des marchés financiers, et rapporteuse de la mission.

Aujourd’hui, hormis certains cas comme le blanchiment de fraude fiscale, c’est la commission des infractions fiscales (CIF), composée de magistrats et de personnalités qualifiées, qui décide des dossiers fiscaux à transmettre aux tribunaux. Saisie à l’initiative du fisc, lui-même sous la responsabilité du ministre du budget, la CIF traite chaque année environ un millier de cas, et ne rejette que 5 % à 7 % des demandes de poursuites. Mais le niveau des amendes, accusé d’être plus faible que les peines judiciaires, les soupçons d’arrangements à l’amiable et le flou sur les critères de transmission de dossiers concentrent les critiques. 

Les avancées sont lentes

« A la CIF, vous n’avez jamais de gros poissons (…) parce que [Bercy] leur dit : soit vous payez, soit je vous envoie à la CIF », ce qui pose un « problème d’égalité des citoyens devant la loi pénale », avait estimé cet été Charles de Courson (Les Constructifs), membre de la mission d’information. « C’est un système d’ancien régime, qui revient à gérer les choses entre bons amis », fustige Eric Coquerel (LFI), également membre de la mission.

Les députés devraient rendre leurs conclusions autour du mois d’avril, afin d’« assurer plus de marge de manœuvre aux juges tout en sécurisant les droits [c’est à dire le recouvrement de l’impôt] », a indiqué Mme Cariou. Elles pourraient ensuite être intégrées au collectif budgétaire de l’été ou à la loi de finances initiale, à l’automne. Le cabinet de Gérald Darmanin, le ministre des comptes publics, travaille en parallèle sur le plan de lutte contre la fraude annoncé mi-décembre 2017 par le premier ministre. Prévu d’ici à la fin du premier trimestre, il a notamment pour but de « muscler le renseignement fiscal ». Mme Cariou pousse pour une loi ad hoc.

Pour l’heure, les initiatives contre la fraude ou l’optimisation fiscale, comme le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés, se font plutôt au niveau international (OCDE, G20, Union européenne), et les avancées sont lentes. La fraude (illégale) et l’évasion fiscale (montages légaux visant à réduire l’impôt) coûtent chaque année à la France entre 60 et 80 milliards d’euros, selon les estimations.

« Des milliards passent aujourd’hui à la trappe. (…) Si on arrivait à les recouvrer, on imagine bien le souffle budgétaire que cela engendrerait », a souligné Mme Cariou. Tout en précisant qu’« un passage par la case Bercy pour le calcul de l’impôt » lui semble nécessaire, car le traitement de ces cas est « très difficile pour un juge avec les moyens dont il dispose ».

« C’est plus une porte qu’un verrou »

C’est précisément pour cette raison que l’exécutif s’est jusqu’ici toujours montré circonspect sur une réforme du verrou, arguant que le traitement des dossiers par la justice est plus long que par les services fiscaux. « Il est pour le moment prématuré de modifier la loi. Lorsque le parquet national financier [créé en 2013] aura trouvé sa pleine dimension, que la coopération internationale sera entière, le moment sera sans doute venu », estime l’ancien secrétaire d’Etat au budget Christian Eckert.

« Le but du verrou de Bercy n’est pas de bloquer quoi que ce soit, mais de permettre la judiciarisation d’un certain nombre d’affaires. En cela, c’est plus une porte qu’un verrou », assure-t-on au cabinet de Gérald Darmanin. Mais « si la mission conclut que le dispositif doit être aménagé, Bercy fera preuve d’ouverture », jure-t-on.

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