Santé

Perturbateurs endocriniens : la réglementation proposée par l'UE ne convainc pas

La Commission européenne n'a pas réussi à faire voter, ce mercredi soir, sa définition très controversée des perturbateurs endocriniens, ces substances chimiques susceptibles de provoquer des maladies. Les ONG s'indignaient particulièrement d'une dérogation ajoutée à la dernière minute.
par Estelle Pattée
publié le 21 décembre 2016 à 18h33
(mis à jour le 21 décembre 2016 à 19h03)

La Commission européenne n’a pas réussi à obtenir de majorité, mercredi soir, pour faire voter sa proposition de réglementation sur les perturbateurs endocriniens (PE), ces substances chimiques présentes dans de nombreux pesticides, plastiques, cosmétiques et conditionnements alimentaires, susceptibles de modifier le système hormonal et d’être à l’origine de diverses maladies comme le cancer du sein, l’infertilité ou encore le diabète et l’obésité. Alors qu’elle avait déjà plus de trois ans de retard, la Commission devra revoir sa copie.

Le 15 juin, la Commission avait dévoilé les critères retenus dans la définition des perturbateurs endocriniens (PE), un préalable nécessaire afin de mieux réglementer ces substances. Mais cette définition avait provoqué un véritable tollé au sein des ONG. En cause : le niveau de preuves demandé extrêmement élevé et la modification des clauses d’exception de la loi de 2009 relative aux pesticides.

L'originalité de cette loi ? Estimer que dès qu'une substance va contenir un PE, elle sera interdite. Une dérogation est possible «si l'exposition est négligeable». «C'est-à-dire que la substance ne doit pas entrer en contact avec l'homme», explique François Veillerette, directeur et porte-parole de l'association Générations Futures. Or, la Commission européenne a proposé de remplacer le terme d'«exposition» par celui de «risque». «Aujourd'hui, on parle de "risque négligeable", c'est-à-dire qu'on va tolérer l'exposition des gens à ce produit et on va essayer d'évaluer s'il y a un risque ou pas. Ce n'est pas adapté aux PE où la durée d'exposition importe plus que la dose reçue», ajoute-t-il.

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Lobbying de l’industrie chimique

Les ONG s'alarmaient d'autant plus que la Commission a prévu une nouvelle dérogation, ajoutée à la hâte dans les annexes du règlement de 2009. Elle précise que «les produits à pesticides qui sont conçus pour avoir un effet sur les organismes cibles avec un mode d'action de perturbateur endocrinien, ne pourront pas être considérés comme des PE pour leurs effets sur les organismes non ciblés», décrit François Veillerette.

«Si le but du règlement vise à protéger les populations et l'environnement des PE, les premières substances qu'on s'attend à voir interdites, c'est justement celles dont on sait qu'elles ont un effet endocrinien, parce qu'on les a conçus pour cela, mais la Commission fait le contraire», déplore François Veillerette. Selon Générations Futures, au moins 8 700 tonnes de produits pesticides en France éviteraient une éventuelle interdiction sur le marché. «Un chiffre qui sous-estime de beaucoup la réalité», admet François Veillerette.

Pour l'ONG, cette dérogation illustre la puissance du lobbying de l'industrie chimique allemande. «On a des publications qui remontent à 2013, où des industriels [dont Bayer et Syngenta ndlr] soulignaient déjà l'intérêt qu'il y aurait d'avoir une dérogation pour tous ces produits», comme l'a révélé le Monde.

«Un recul»

Mardi, la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, avait déjà qualifié d'«inacceptable» la proposition de la Commission. «Si elle était adoptée en l'état, cette évolution réglementaire marquerait un recul dans l'action de l'Union européenne de protection de la santé de nos concitoyens et de notre environnement», déplorait la ministre dans une lettre adressée au président de la Commission, Jean-Claude Juncker.

Ségolène Royal appelle, à l'instar de nombreux scientifiques, à une classification des PE en trois catégories : avérés, présumés, suspectés, comme c'est déjà le cas pour les cancérigènes. En parallèle, une pétition en ligne diffusée par l'organisation SumOfUs, qui bataille pour «limiter le pouvoir grandissant des entreprises à travers le monde», avait appelé les gouvernements européens à rejeter la proposition de la Commission. Avant le vote, elle avait déjà recueilli 263 696 signatures.

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