Reculer pour mieux sauter. Ou pour mieux échouer ? Alors qu’elle avait avancé la date de son propre chef, la Commission européenne a finalement renoncé à soumettre au vote sa proposition de réglementation des perturbateurs endocriniens. Les représentants des Etats membres, réunis mercredi 21 décembre au sein du comité permanent de la chaîne alimentaire et de la sécurité animale, devaient se prononcer sur ce texte clé destiné à appliquer l’interdiction des pesticides identifiés comme perturbateurs endocriniens. Une disposition prévue dans le règlement européen sur les pesticides de 2009.
Omniprésents dans notre environnement quotidien (plastiques, cosmétiques, électronique, pesticides, etc.), ces produits chimiques peuvent interférer avec le système hormonal des êtres vivants à des doses infimes. Alors qu’on détecte plusieurs de ces molécules chez la totalité des femmes enceintes, comme l’a montré une étude nationale de Santé publique France début décembre, on les relie désormais à l’augmentation de certains cancers, de l’infertilité, du diabète, de l’obésité ou encore de troubles de développement du cerveau.
Feu nourri de critiques
Un enjeu de santé publique majeur, auquel la proposition de la Commission ne répond pas, estime la communauté scientifique compétente. Présenté le 15 juin avec trois ans de retard par rapport aux délais fixés par la loi, le texte essuie un feu nourri de critiques de la part des scientifiques, du Parlement européen, des organisations non gouvernementales (ONG) et de certains Etats membres. Le niveau de preuves requis pour retirer les perturbateurs endocriniens du marché est, selon eux, bien trop élevé.
Si la Commission a préféré reporter le vote, c’est parce qu’elle ne parvient pas à réunir de majorité qualifiée. La France fait partie des Etats membres qui refusent de voter le texte en l’état, le jugeant « inacceptable ». La ministre de l’environnement Ségolène Royal s’en est plainte au président de la Commission. Dans une lettre adressée mardi à Jean-Claude Juncker, elle évoque une « évolution réglementaire qui marquerait un recul dans l’action de l’Union européenne de protection de la santé de nos concitoyens et de notre environnement ».
En particulier, la France reproche à la Commission de refuser d’adopter, malgré les demandes insistantes de plusieurs Etats membres, un système d’identification des perturbateurs endocriniens inspiré de la classification des cancérigènes. Ce dispositif permettrait de catégoriser les substances de façon graduée en fonction des connaissances scientifiques disponibles : perturbateurs endocriniens « suspectés », « présumés » et « avérés ».
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